La psychanalyse, ça sert à quoi ?
Le psychanalyste Didier Anzieu répond à cette grande question, ici posée par le journaliste Bernard Pivot, sur le plateau de l’émission Apostrophes (Antenne 2), en mars 1977. Une parole claire, humaine. À découvrir, ou redécouvrir.
En mars 1977, Bernard Pivot consacre une émission d’Apostrophes à la psychanalyse sous le titre : "Bienfaits et méfaits de la psychanalyse."
Ce soir-là, entouré d’invités dont la légèreté contrastait vivement avec la profondeur du sujet — parmi eux, deux psychanalystes aux élucubrations confuses — Didier Anzieu se distingue par la justesse et la sérénité de ses réponses aux questions de Bernard Pivot.
Didier Anzieu (1923-1999) était psychanalyste, professeur émérite de psychologie clinique à l’Université Paris X-Nanterre, et membre de la Société psychanalytique de Paris (SPP). Son parcours universitaire et clinique en fit l’une des figures majeures de la psychanalyse française du XXe siècle.
Voici certaines réponses aux questions qui lui sont posées par le journaliste.
B.P. : Qu'est-ce que c'est qu'un psychanalyste et à quoi ça sert ?
Didier Anzieu : « Si on la prend à la façon médicale, on pourrait dire que c’est la guérison des parties souffrantes d’une personne, et le processus de guérison, c’est qu’une autre personne recueille, contienne, comprenne, explique les causes et répare les effets de ces souffrances. »
B.P. : Et la personne qui comprend, c'est le psychanalyste ?
Didier Anzieu : « On pourrait dire aussi, d’un point de vue philosophique, puisque la psychanalyse est à mi-chemin entre la médecine et la philosophie, on pourrait dire que c’est l’accès à une forme moderne de sagesse, parce que si la religion s’intéresse aux Saints, si la société nous propose des héros ou des anti-héros, ce que vise la psychanalyse c’est une certaine sagesse de la vie par rapport aux désirs, par rapport à la disponibilité, par rapport à l’ouverture aux autres, par rapport aux choix que l’on fait des personnes avec qui on s’entend - tandis que le malade c’est celui qui choisit des personnes avec qui il ne s’entend pas -, l’accès à une certaine sérénité, et puis je dirais, la capacité de gouter la saveur de la vie. »
B.P. : Le psychanalyste c'est un peu le médecin de l'âme ?
Didier Anzieu : « Je dirais plutôt que la psychanalyse est un voyage, que le psychanalyste est l’accompagnateur de ce voyage, mais si vous le permettez, l’accompagnateur d’un voyage inorganisé ».
B.P. : Est-ce qu'un psychanalyste est obligatoirement un médecin ?
Didier Anzieu : « Un psychanalyste peut-être un médecin, il peut être un philosophe, il peut être un psychologue, de toute façon c’est quelqu’un qui lui-même a vécu l’expérience de la psychanalyse, qui s’y est soumis. »